Plus de sept mois sont passés à faire du découpage, ajustage,
collage, ponçage, vernis, électricité, plomberie... Mais le
résultat est là, tangible, propre, presque terminé.
Une heure avant le pot de départ, je posais encore les marches de
la descente !
Le temps est passé vite, très vite, je n'ai pas terminé la table
du carré, il me reste trois planche à découper pour la porte de la
soute avant et la table de cockpit. Les marches de la descente ne
sont pas encore totalement verrouillées, mais l'essentiel est là
et, enfin, Balade va reprendre la route ; le temps est
beau, la Marne est en cours de décrue, le printemps s'annonce
clément pour la suite du parcours, Neuilly à Honfleur.
Le départ de Neuilly le 2 avril sous le soleil, avec un peu de
retard (11h) mais dans la bonne humeur, les voisins de ponton et
le frère de Pierre (le second du bord) nous saluant en partant.
Nous avons donc 'coupé' les amarres, coupé est bien le terme car
le bout est resté dans l'eau depuis septembre 2001 était trop
envasé pour être décroché de la bouée.
Et vogue le voilier Balade sur la Marne jusqu'au pont de
Joinville où mon frère Philippe nous rejoint pour passer le tunnel
de 480 m sous la ville de Joinville-le-Pont. Arrêt à la première
écluse juste après le tunnel, les éclusiers étant partis manger,
nous faisons la même chose et déjeunons dans l'écluse, dans
l'attente de passer.
Descente de la Marne, puis de la Seine
jusqu'au port de l'Arsenal. Nous prenons le canal Saint-Martin et
le tunnel qui passe sous la Bastille, très belle promenade à
travers Paris. La sortie du canal Saint-Martin se fait par la
grande écluse de la Villette pour prendre le canal de Saint-Denis
et rejoindre la Seine.
L'écluse de la Villette fait 10 m de dénivellation avec une porte
qui s'ouvre sous la voûte !
Mais trop tard pour sortir du canal avant la fin de journée. Nous
sommes bloqués sur le canal de Saint-Denis près du stade de
France. Nous repartirons le lendemain pour retrouver la Seine et
ses grandes écluses.
Sur la Seine, les arrêts ne sont pas nombreux et pas toujours
faciles à trouver, comme ce ponton posé sur une petite branche de
la Seine.
Ici, nous sommes sous l'influence des marées, c'est la dernière
écluse de la Seine, le marnage et le courant sont maintenant à
prendre en compte ; la grande ville qui suit c'est Rouen et son
port où nous avons reçu un accueil très sympathique du gérant.
La descente jusqu'au pont de Tancarville se passe en douceur sous
un soleil parfois voilé par des nuages d'altitude et une
température un peu fraîche de 12°C en moyenne ; nous avons froid
le matin et attendons l'apéro du midi avec impatience.
Pour finir le trajet de la Seine, nous empruntons le canal de
Tancarville qui nous mène directement dans la ville du Havre où
Pierre doit prendre le train samedi matin.
Traversée de la zone industrielle en début de nuit dans une
atmosphère surréaliste de cheminées qui fument éclairées par des
feux de toutes les couleurs sur une surface d'eau calme et sans
vague, à part la nôtre qui se meurt en douceur sur les bords
rectilignes du canal.
L'arrivée au premier pont levant nous sort de cette ambiance pour
nous faire retourner dans la réalité des contraintes
administratives, appel VHF canal 69 pour l'ouverture du pont, pas
de réponse ; on accoste, puis petite visite du site, personne !
Retour au bateau et là par miracle la VHF répond, nous somme
autorisé à passer l'écluse, puis les autres s'ouvrent sur notre
passage sans appel VHF jusqu'à un pont. En fait, la capitainerie
nous a vu sur le circuit vidéo.
Après avoir passé un pont mobile, nous attendons que le pont
suivant s'ouvre au beau milieu du canal, nous regardons le pont
mobile derrière nous se refermer en douceur. Je fais remarquer à
Pierre que le pont touche l'eau, sûrement pour soulager la masse
de ce dernier, et après fermeture complète de celui-ci, nous
réalisons que nous sommes dans une énorme écluse plus large que
longue, nous nous approchons rapidement de la rive pour nous
amarrer. Il est tard et notre périple n'est pas encore terminé, au
sortir de cette étrange écluse, la capitainerie nous informe que
le passage de la dernière écluse ne sera possible qu'entre 5h00 et
7h00 le lendemain matin. Nous nous amarrons près de cette dernière
sur le quai des remorqueurs Abeille et entamons notre dîner à
23h00.
En fait, la dernière écluse est utilisée comme porte de retenue
d'eau, elle est ouverte à marée haute, d'où la fourchette de temps
que l'on nous a donnée.
Au réveil, à 6h00, après un petit déjeuner, Pierre part vers la
gare pour retourner à Paris et je conduis Balade seul au
port de plaisance du Havre où un 'ship' doit me remettre des
pièces commandées à Paris. Bien entendu, les pièces commandées ne
sont pas arrivées.
Voilà une nouvelle étape du voyage terminée, 360 km de Seine-Marne
au port du Havre, 25 écluses, 40h20 de fonctionnement du moteur et
4 jours de descente par beau temps froid et sec (12°C de moyenne).
Balade a retrouvé l'eau salée et le départ sur Honfleur par la baie de Seine est entamé à 9h35 avec une météo peu favorable, vent d'Est de 7 beaufort (dans le nez) et courant en fin de marée descendante, il me faudra plus de 4 heures pour rejoindre Honfleur sous le soleil mais toujours un froid léger. Je retrouve mes amis venus en nombre qui se régalent dans un petit restaurant à l'abri du vent qui souffle toujours aussi fort.
A Honfleur, c'est le moment de préparer le rematâge du voilier et
de mettre le pont en état pour une navigation en mer à la voile,
la semaine se passe à monter les rails de génois, les winches, les
haubans, les drisses, les câbles électriques du mât, et pleins de
petits détails.
Le mardi 9, arrive Philippe, le très célèbre batteur qui tourne
sur toute la France, il va participer à ce grand moment qu'est le
rematâge du voilier. Départ pour la grue, dans la partie technique
du port et rematâge en quelques minutes, fixation des haubans
principaux, de l'enrouleur, du pataras, réglage plus fin ensuite.
Philippe repart sur Paris et je continue mes travaux.
Arrivent Odile, Didier et leur enfants, le samedi 13 et promenade
dans Honfleur, qui est une très belle ville portuaire. Dimanche,
la famille repart, mais nous les retrouverons à Portsall la
semaine suivante. Balade remplira son rôle de maison
d'hôte pour l'ensemble de la famille et offrira le coucher pour 5,
sans difficulté.
Le fameux Didier (celui par qui tout à commencé) reste avec moi
pour la fin des préparatifs du voilier et lundi départ de Honfleur
pour Le Havre où les pièces commandées doivent être arrivées
maintenant. Sortie des voiles pour un essai, mais avec le faible
vent et le courant contraire nous restons sur place, le moteur
nous permet d'avancer contre le courant.
Un petit passage par les affaires maritimes pour changer de
catégorie, de 5ème en 3ème. Encore une belle démonstration de
l'efficacité de l'administration française, une heure et trois
bureaux différents, M. Businski est en vacance, personne ne veut
prendre de responsabilité pour mettre le coup de tampon adéquat !
Passage par le bureau du directeur local qui se dérange
personnellement pour tamponner le livret et nous sortir de cette
situation typiquement française. Le changement de catégorie est
obligatoire pour faire le tour de la Bretagne, les ports étant
éloignés de plus de 5 milles.
Passage chez le 'ship', les pièces détachées ne sont pas arrivées
et nous partons sans, nous les récupérerons à La Trinité-sur-Mer.
Nous partons du Havre en direction de Cherbourg le mardi matin au
moteur, le vent faible dans le nez et une température fraîche sous
un beau soleil de printemps. L'arrivée à Cherbourg se fait à 1h15
du matin vent et courant à contre, dur dur. Et oui, avec la marée
on a eu le courant avec nous 6h puis contre nous 6h ! Mais,
suprême récompense, le chauffage électrique en arrivant au port,
quel confort de dîner au chaud, après 13h30 de navigation. Nous ne
nous attardons pas et allons dormir du sommeil du juste.
Le lendemain, petite visite à la capitainerie pour prendre la
météo et préparation de la navigation suivante.
Le départ de Cherbourg de jour est surprenant, la veille nous
n'avons pas réellement pris la dimension de la rade, en fait, elle
est immense et je comprends que nous ayons mis tant de temps à
arriver dans le port de plaisance. Après la sortie de la rade,
nous sortons enfin les voiles et marchons 7 nœuds au près avec un
force 4-5, un ris dans la grand voile, le génois roulé un peu.
Belle promenade avec le passage du cap de la Hague et une petite
averse en arrivant sur les îles anglo-normandes. 7h00 de
navigation pour les 45 milles à faire ce jour, soit 6,4 nœuds de
moyenne, ce qui est pas mal pour un voilier de 10 m.
L'arrivée se fait sur des pontons flottants, isolés les uns des
autres, le responsable du port passe avec son annexe pour récolter
la dîme, et vous invite à patienter le temps que la marée monte
pour accéder au port à flot, plus confortable et au même prix. Les
Anglais ne sont toujours pas passés à l'euro et seule la carte CB
fonctionne dans cette région de l'Europe. La visite de la ville de
Saint-Peter est rapide, toutes les boutiques sont fermées, il est
19h00, les pubs ne sont pas encore ouverts !
Par contre, les toilettes et les douches sont irréprochables,
météo sur écran, téléphone public, machine à laver le linge, tout
y est ! Bon, d'accord c'est aussi très cher.
Nous repartons le lendemain pour Perros-Guirec avec des
conditions météo ordinaires : vent dans le nez, soleil et courant
portant une partie du voyage et contraire l'autre. Arrivée de nuit
(22h30) à Perros et passage du sas d'entrée de port très étroit
(moins de 5 m).
Beaucoup de moteur encore ce jour 9h35 pour 11h10 de navigation,
la température ne s'améliore pas. Nous sommes passées de 12° à
8°C, mais le soleil brille toute la journée, c'est le vent faible
qui se refroidit et nous avec.
Départ de bonne heure de Perros (10h50) avec le soleil et à la
voile, pour une arrivée de jour dans l'Aber Wrac'h (21h00) et
passage entre les cailloux par le passage Est, mer calme et vent
dans le nez.
Il est indiqué dans les livres nautiques que le passage Est doit
être pratiqué uniquement par mer calme et nous en comprenons la
raison quand nous passons à moins de trois mètres des roches
rasantes qui parsèment l'alignement. Le vent suit notre cap depuis
le début, il vire au fur et à mesure de notre progression, d'abord
Ouest, puis Sud-Ouest, puis Sud. Très belle arrivée à l'Aber
Wrac'h, une mer d'huile nous accueille avec les senteurs des
arbres.
Odile et les enfants (voir le 8 avril Honfleur) nous rejoignent
sur le quai, car les pontons visiteurs ne sont pas encore
installés (à partir du 1er mai
seulement) et la sortie de l'annexe est réalisée en deux temps
trois mouvements, et hop direction le quai.
Le lendemain, nous décidons de nous rapprocher d'Odile en
ralliant Portsall, petit port bien abrité à assèchement où le
bateau va se poser à deux reprises lors de cette escale. Un posé
sans problème et bien à plat. Nous retrouvons Odile, les enfants
plus Alain qui vient d'arriver de La Rochelle pour la deuxième
semaine de voyage.
Lors de cette petite navigation, nous sommes tombés en panne de
gasoil, rien de grave, car le jerricane de vingt litres accroché à
l'arrière est plein, et le transvasement n'a pas pris 5 minutes.
Bien évidemment, le vent est toujours faible et à contre, après le
réamorçage du moteur, nous sommes arrivés à bon port.
En fait, la consommation calculée lors du voyage sur les canaux
était faussée par les vagues qui ralentissent le bateau d'où une
consommation plus importante soit 1,5 litre à l'heure au lieu des
0,95 litre en rivière.
A Portsall est exposée l'ancre d'un tristement célèbre navire,
l'Amoko Cadiz, qui pollua la région lors de son naufrage. Les deux
pointes de l'ancre ont été littéralement arrachées lors de la
tempête qui brisa le bateau sur les rochers.
Départ de Portsall pour Camaret, où le vent est toujours contre
nous, mais nous sortons tout de même la voile à l'arrivée de
Camaret.
Nous profitons de la pompe à gasoil de Camaret pour refaire le
plein complet, Alain, n'étant pas confiant dans la météo.
Le lendemain, départ de Camaret pour passer le Raz de Sein, nous choisissons le moment idéal où le
courant commence à devenir favorable et nous passons la pointe du
Raz de Sein à l'étale, mer plate, peu de vent et moteur.
En arrivant près du Raz de Sein, Alain qui a déjà passé
plusieurs fois ce haut lieu, s'étonne de voir au loin un gros
porteur, voire un bateau militaire, amarré vers les roches de
Sein. Nous prenons les jumelles, regardons, en effet, il y a au
loin une forme surprenante, immobile et de grand taille. Ne
connaissant pas l'endroit, je surveille cette étrange silhouette
et m'étonne de l'écume que l'on distingue par moment au pied du
monstre de fer. Après dix bonnes minutes, aucun doute ne subsiste,
il s'agit bien d'un rocher surmonté d'un phare, le phare d'Ar Men
qui pointe à 29 mètres de haut, totalement immobile avec ses
brisants, et Alain en est quitte pour l'apéro.
L'arrivée à Bénodet se fait au coucher du soleil dans les belles
couleurs du printemps. Pas de surprise et prise de ponton en
douceur dans un calme olympien.
Le lendemain nous partons pour l'île de Groix et son célèbre
bistrot 'Ty Beudeff'.
Sur le chemin nous pouvons admirer l'entraînement des
bateaux du défi français et aussi l'entraînement des multicoques
de 60 pieds (les petits au loin).
Le ciel est toujours aussi beau ! L'arrivée à Port Tudy se fait
avec une surprise de taille, plus de marche arrière !!! En fait,
l'inverseur qui était difficile à régler depuis le début, au
niveau de la commande, ne permet plus le passage de la marche
avant en marche arrière, soit il accroche en marche avant et la
marche arrière ne fonctionne pas, et vice versa. Tentative de
réparation, sans résultat concluant.
Le départ du Port Tudy se fait à grand peine, un dernier réglage
permet d'avoir la marche avant et nous partons au moteur dans ses
conditions (l'inverseur sera remplacé à La Rochelle).
Nous partons de l'île de Groix en direction de La Trinité par le
passage de La Teignouse côté Ouest, le tout au GPS et par repérage
des bouées cardinales. Pas de vent pour changer, notre navigation
au moteur avec une mer plate et une super visibilité, le passage
des roches de La Teignouse, grand plaisir et sans aucune
hésitation. Dommage que le vent ne soit pas présent, le bruit du
moteur gâche un peu le spectacle.
Arrivée à La Trinité à 18h02, la capitainerie est fermée ! Pas de
douches et pas de colis. Nous repassons le lendemain pour
récupérer la commande de pièce et prendre une douche qui est
comprise dans la taxe de port.
Nous partons pour l'île d'Yeu avec un vent portant sur une partie
du parcours, enfin. Nous profitons du vent pour cette étape de 65
milles avec une visibilité inférieure à 1 mille et un soleil
légèrement voilé. Nous cherchons désespérément les balises que
nous ne voyons pas de la journée, le GPS nous donne le bon cap,
nous repérons l'île d'Yeu en fin de journée comme prévu, mais
aucune bouée n'est visible !
Bien sûr, la première chose que fait notre maître cuisinier, c'est
d'aller chercher les crustacés du crû pour les préparer et nous
nous régalons avec un petit vin blanc spécialement embarqué pour
cette escale. Quel plaisir !
Nous entrons dans Port Joinville à marée basse avec la dérive
relevée, puis dans le bassin de plaisance sans difficulté. Le
tirant d'eau nous le permet. Le départ le lendemain se fera dans
les mêmes conditions, et un pêcheur sortant en même temps que nous
s'est un peu inquiété de nous voir prendre le chenal de sortie à
marée basse. Après une petite conversation au milieu du chenal, il
a compris que notre tirant d'eau était faible et il a continué son
chemin et nous le nôtre.
Nous avions l'intention de faire une seule étape entre l'île
d'Yeu et La Rochelle, mais les conditions météo ont modifié notre
parcours, l'avant-dernière étape, donc, nous a conduits aux
Sables-d'Olonne par une mer hachée avec des creux de 2 mètres, un
vent de force 5 à 6 de travers, surf à 11 nœuds et vitesse de
croisières de 6,3 nœuds. L'arrivée aux Sables derrière les digues
à l'abri du vent et des vagues nous a fait du bien et nous nous
arrêtons sous la pluie au quai visiteur pour un repas bien mérité.
L'une des attaches de prise de ris s'est cassée en arrivant près
des digues des Sables, nous avons dû affaler rapidement pour
éviter de couper et déchirer la voile avec ce morceau d'inox qui
se baladait au bout de la bosse de ris. Heureusement que nous
arrivions à la pointe de la digue des Sables.
Après analyse du problème, les rivets étaient totalement corrodés
par effet électrolytique (alu sur inox).
La pluie s'est très vite arrêtée et le vent a faibli durant la
nuit.
Enfin, la dernière étape, Les Sables - La Rochelle s'est faite
dans des conditions de beau temps, soleil, vent favorable, une
grande partie de la navigation et arrivée sous voile au passage du
pont de l'île de Ré. Nous rentrons les voiles et mettons le moteur
au passage de la tourelle de Richelieu et entrons dans le vieux
port de La Rochelle en passant entre les célèbres deux tours,
superbe. Nous retrouvons les amis et attendons le personnel de la
capitainerie pour passer la porte et la passerelle du bassin à
flot du vieux port.
Balade est amarré dans le vieux port pour la suite de la
remise en état, finir la table, terminer les équipements de pont
(renvois au cockpit...) et les milles petits détails de la vie
d'un bateau.
Mais déjà les
rendez-vous sont pris pour le mois de mai, car en mai fais ce qui
te plaît.
Pour finir une vue du bateau sous voile ! Tranquille par 10 nœuds
de vent arrière et en solo. Merci l'ami Jean qui était aussi en
solo sur son Bavaria 34 et que j'ai aussi pris en photo. La suite
au chapitre 4.
Avez-vous des commentaires à faire ? Si c'est le cas, n'hésitez pas à m'envoyer un éMail, merci.